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déshabilla tout nu : le sorcier le plia bien serré dans la couverture avec des herbes, l’entortilla avec une petite corde et le coula tout doucement dans le four d’où on venait de tirer le pain. On pense bien qu’il n’était pas à son aise là-dedans, Gustou ; il étouffait dans son empaquetage, et au commencement, il avait peine à prendre la respiration ; aussi le sorcier le tirait un peu et lui amenait la tête à la bouche du four, pour lui faire prendre un peu d’air, et le renfonçait après. Quand Gustou se fut un peu fait à cette chaleur, l’autre le laissa allongé dans le four sans plus le tirer, et mon Gustou cuisait tout doucement dans la couverture en geignant comme bien on pense. Au bout d’une demi-heure ou guère moins, quand le sorcier vit que Gustou tirait la langue et n’en pouvait plus, il le sortit du four et le posa sur la maie, puis il appela mon oncle qui, pas plus que nous autres, ne s’était donné garde de tout ça. En entrant dans le fournial, où ça sentait le crâmé, mon oncle dit au sorcier : — Qu’est-ce que vous avez fait-là ? Mais avisant Gustou entortillé comme un javelou sur la maie, il se pensa l’affaire et commença à se fâcher après le sorcier. Mais Gustou se sortit un peu la tête de sa couverture, dit qu’il allait mieux et demanda qu’on le portât dans son lit. Comme je montais du moulin dans ce moment, nous le mîmes sur un bayard avec une couette, et nous le portâmes dans sa chambre. Il resta bien trois ou quatre jours avec une fièvre de cheval, plein de bouffioles, comme un chapon rôti, et ne pouvant se rassasier de boire de la tisane faite avec une herbe portée par le sorcier. Au bout de ces quatre jours, toute sa peau s’en alla comme celle d’un serpent et il resta tout rouge comme une écrevisse. Puis il nous dit qu’il était guéri et parla de se lever, ce qu’il fit de fait le lendemain, marchant sans son bâton, et depuis ses douleurs ne revinrent pas.