Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mon oncle se retourna, mais pour lors, je composais toute sa société, M. Masfrangeas avait disparu.

En regardant bien, nous le vîmes devant un musée de figures de cire, mais il n’était plus seul, Mme  Masfrangeas et ses trois demoiselles le tenaient et n’avaient pas l’air de vouloir le lâcher.

Il vint nous dire qu’il se trouvait forcé de faire entrer toute sa famille au musée, ayant eu l’imprudence de le promettre, et il nous quitta en pestant, après nous avoir secoué la main.

Nous entrâmes dans la baraque des lutteurs, précédés du Canau. En passant devant le bureau représenté par une petite femme sèche qui n’avait pas l’air trop jovente, le bourgeois dit : Ce sont des amis, et après nous avoir installés, il alla à ses affaires.

Bientôt après entrèrent dans l’arène, entourée d’une corde tendue sur des piquets, deux des lutteurs de la troupe : ils se donnèrent la main et s’empoignèrent. La lutte dura quelques minutes, et l’un d’eux fut renversé tout bravement à terre, puis l’autre lui tendit la main pour se relever.

Un autre couple lui succéda, et ce fut toujours à peu près la même chose. Tout ça ne m’amusait guère, car il me semblait que ces gens-là n’y allaient pas bon jeu bon argent, et qu’ils paraissaient plus occupés de faire des effets de muscles, que de lutter pour la victoire qui paraissait arrangée d’avance.

Mais tout d’un coup, voici un meunier qui entre dans la baraque avec deux autres individus.

— Voilà Poncet, dit mon oncle, ça se passera mal.

C’est que la réputation de Poncet était grande. Ses tours de force étaient connus de tous. Il chargeait une barrique de vin sur une charrette, comme un autre un panier de vendange. On racontait aussi qu’un jour, luttant dans une baraque avec un ours, et se sentant un peu pressé, il avait cassé les reins à la bête en la serrant dans ses bras.