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mon oncle en montait un de sa chambre du moulin, et, tandis que nous étions tous rangés autour du feu, chacun ayant son occupation, Gustou pelant, Fantille filant, ma femme tenant son plus petit sur ses genoux, mon oncle fumant sa pipe ; moi, je lisais, quelqu’une de ces anciennes histoires, où l’on voit ce que c’était en ces temps que des hommes. C’était pour les enfants, ce que j’en faisais, mais tout le monde en profitait, parce que ces livres sont pleins de choses très belles.

J’ai dit déjà que ces livres s’étaient trouvés avec un tas de choses achetées à l’encan par mon grand-père. Il est arrivé de ça, que ce qui était prisé moins qu’une vieille serrure, qui semblait bon seulement à faire des cornets pour le tabac, a été pour nous d’un prix inestimable, car on ne peut pas estimer la valeur qu’on se donne à soi-même en devenant meilleur. C’est comme ça, que chez nous, au fond d’une campagne du Périgord, on avait appris à connaître les Grecs et les Romains, dont les paysans, d’ordinaire, n’ont seulement point ouï parler, bien loin de se douter quelles gens c’était.

Il y en a qui, oyant conter ces histoires, disent : tout ça c’est très beau, mais nous ne sommes pas à Rome ou à Athènes, et nous ne sommes pas consuls, ou capitaines d’armée, ou magistrats grecs ou romains, et ces vertus que nous admirons, ne sont pas à notre portée.

Mais ils se trompent. On peut être juste comme Aristide, au fond d’un petit village périgordin. Un conseiller municipal, voyant une cabale montée dans l’intérêt de quelques-uns, peut se mettre en travers pour le bien de la commune, et ne se jamais décourager, et combattre les intrigants avec la constance et la fermeté de Caton au Sénat romain. Et qui empêche que dans la pauvreté, la médiocrité, nous ne nous trouvions heureux comme Tubéro, le gendre du