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Mais il ne parlait pas de ses rentes qui n’avaient pas grêle, ni de ses maisons à Périgueux, et c’était une vraie dérision d’entendre ce gros, je ne veux pas dire le mot, se mettre sur la même ligne que ses métayers et ses pauvres voisins, qui avaient perdu leur pain, tandis que lui n’avait perdu qu’une partie de son revenu, ce qui ne lui ferait pas manger une bouchée ni boire un coup de moins. Mais il faisait ça pour ne rien donner aux autres, ni même prêter.

Cette grêle, avec la naissance de mes autres enfants, c’est à peu près tout ce qui soit à dire pendant plusieurs années. Depuis François, j’avais eu encore Yrieix, qui était né au mois de septembre 1863, Michel au mois de mai 1866, et le dernier, Bertrand, vint au mois de juillet 1868.

C’est cette même année-là que mourut le pauvre Lajarthe. Il tomba subitement un jour dans une maison où il travaillait, et ne s’en releva pas. Cet homme était tracassé par les affaires du pays, d’une manière extraordinaire pour quelqu’un qui n’avait ni instruction ni bien. J’ai toujours pensé que s’il avait appris, avec son esprit de nature et son caractère, ça aurait été un homme pas commun.

Nous avions eu huit enfants, il nous en restait sept, six garçons et une fille : c’était assez joli ; aussi, quand le dernier vint, mon oncle dit comme ça en riant : — À cette heure, je n’ai plus peur que la race des Nogaret se perde ! Mais tous nos enfants étaient si bons petits, si sains, qu’il disait aussi : Ma foi, ça aurait été dommage qu’ils ne fussent pas venus.

J’ai oublié de dire que nous avions un régent dans notre commune depuis quelques années. M. Lacaud ne le voulait pas trop ; il disait que ça n’était pas utile pour les enfants des paysans, d’apprendre à lire et à écrire, parce que ça les détournait de travailler la terre, et que, lorsqu’ils seraient tous instruits, on ne trouverait plus de métayers. Mais un jour, comme