Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/334

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lorsqu’il est sur le pas de la porte, la musique éclate avec rage. Puis, le silence se fait, et l’homme s’avance assez embêté, conduit par le maître des masques. On lui fait d’abord saluer bien bas la fourche tenue au centre du cercle. Après ça, toujours devant la fourche, on le fait mettre à genoux sur une grosse pierre bien ruffe, et on lui fait des questions farcesques, en forme de catéchisme à l’usage des maris. Lorsqu’il a répondu, on lui fait réciter, en la lui dictant mot à mot, une profession de foi à crever de rire, par laquelle il promet, entre autres choses, d’être sourd et aveugle. Enfin, on lui fait jurer, sur les sacrées cornes, de ne jamais croire qu’il l’est, quand même il le verrait !

Lorsqu’il a fait ce serment, ces grandes diablesses de cornes s’abaissent vers lui et couronnent un moment sa tête, et puis on les lui fait embrasser, le pauvre ! Après ça, le chef de la troupe prononce une formule burlesque de réception dans l’illustre confrérie, fait relever l’homme et lui donne l’accolade, tandis que la musique reprend à grand bruit.

Pendant ce temps, la femme épie derrière les carreaux, et rit ou rougit, ça dépend.

La farce étant finie pour lui, le nouveau reçu prend la fourche, et toute la troupe s’en va vers la maison du second marié où on la recommence. Quand elle est finie, ce dernier prend les cornes à son tour, et on va chez le troisième, et ainsi de suite, jusqu’au dernier marié, qui porte l’engin cornu jusqu’à l’auberge où la troupe s’en va souper en grande joyeuseté.

J’ai dit, et c’est bien vrai, que suivant eux, tout le monde est égal devant l’emblème terrible ; mais avec ça, c’est ici comme partout, la sacro-sainte majesté des écus ne pouvait être méconnue ; aussi, les riches esquivent la réception, moyennant quelque pièce de cent sous qui se mange entre tous.

J’aurais été curieux de voir cette antique farce,