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ses frères. Elle ressemblait à sa mère cette petite, comme deux gouttes d’eau ; c’était la même figure tranquille et bonne, les mêmes traits fins, les mêmes yeux clairs et aimants, et le même caractère : tout ça faisait que j’étais plus porté à l’embrasser que ses frères, qui étaient toujours bouchards, qui est à dire barbouillés, et souventes fois tapageurs et polissons. Mais avec ça, je me disais quelquefois : voyons, si on venait te dire : Il faut qu’il y en ait un qui meure ; lequel préfères-tu voir porter au cimetière ? Et je sentais que ça m’aurait été totalement impossible de le dire, ce qui me prouvait que je n’avais pas de préférence injuste.

Mon oncle les aimait bien aussi, les petits, surtout l’aîné ; mais leur grand ami, celui auquel ils s’adressaient pour avoir quelque chose, s’ils craignaient un refus de nous autres, c’était Gustou. Il leur faisait des virebriquets avec une noix et de la ficelle, des pétards et des clifoires avec du sureau, des pirouettes, des quilles, des sifflets, des petits paniers, des trappelles pour tendre aux oiseaux, des pièges pour attraper les merles dans les haies, des lignes pour pêcher, des petits fouets qu’ils faisaient péter que c’en était fatigant ; il n’y avait chose dont il ne s’imaginât pour les contenter, et le soir, il leur disait des contes.

C’était l’hiver principalement, quand nous étions tous autour du foyer ; Gustou n’avait pas plutôt commencé à peler, qu’ils criaient tous :

— Gustou, dis un conte !

Et lui qui en savait à force, disait tantôt celui du voleur d’enfants ; tantôt celui de la fade ou fée Papillette ; tantôt encore celui du sorcier Grillon ; ou celui de l’âne qui faisait des crottes d’or.

Le conte fini, c’était des questions de toute manière que les enfants faisaient à Gustou, pour avoir des éclaircissements. Quelquefois les questions étaient