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Avec ça, il avait un gipou de grosse étoffe bleue de Miremont, comme en ont les gens du Périgord noir qui touche au Quercy, et qu’on voit aux foires de Terrasson. Dans les pans écourtés de cet habit-veste, deux larges poches lui servaient à mettre des herbes et ses affaires de sorcier. Sa tête, garnie de longs cheveux blancs frisés, était couverte d’un bonnet de laine brune, tricoté à l’aiguille, sans pompon et ramené en avant, comme ceux de la République qu’on voit sur les anciens sous du temps.

On le consultait assez le sorcier, dans le pays, parce qu’on croyait à son pouvoir et qu’on le craignait. Il y avait bien des gens qui l’invitaient aux noces, pour éviter les embarrements si désagréables pour les nôvis, et les chevillements qui font qu’on ne peut tirer de vin à une barrique, quoiqu’on ôte le douzil.

On l’appelait, pour les maladies des chrétiens et pour celles des bêtes ; il guérissait les gens, des fièvres, avec neuf brins d’herbes cueillies à reculons, avant le lever du soleil, le premier jour de la saison d’automne, et ceux qui avaient le cours de ventre, en les faisant passer par un écheveau de fil retors. Il guérissait aussi les chevaux et les bœufs malades, en les faisant tourner trois fois autour de la pierre-levée du Puy-de-Jou. Il enseignait à chercher la Mandragoro, et on disait même, que c’était lui qui l’avait fait trouver à ce Baspeyras, dont Gustou avait parlé le soir que nous énoisions ; il levait les sorts jetés par les gens mal jovents ; il donnait aux garçons, le moyen de se faire aimer d’une fille, au moyen de l’herbe de Moto-Goth, ramassée avec certaines cérémonies, et cachée adroitement sous le livre des évangiles, à seule fin que le curé dit la messe dessus ; il retrouvait les affaires adirées en faisant tourner le tamis avec des ciseaux ; enfin, il y avait des gens qui croyaient même, qu’il pouvait faire grêler en battant l’eau de la fontaine de la Fado, et mettre le trouble