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pas grand’chose, sinon que dans le Midi et dans la Bourgogne on se battait. Mais à cette époque, tenir Paris, c’était tout ; quand on tient la tête on tient le corps, et puisque Paris ne s’était pas levé en masse, tout était perdu.

Un matin, nous déjeunions sans mot dire, assez tracassés, lorsque nous allons entendre des pas de chevaux dans la cour, et puis des gens qui venaient. Quand ils furent sur l’escalier de pierre, oyant les grosses bottes et les éperons, nous nous regardâmes tous avec la même pensée : ce sont les gendarmes !

Et en effet, c’était eux. Ils poussèrent la porte et entrèrent, puis le plus vieux dit : — Sicaire Nogaret, au nom de la loi, je vous arrête ; il faut nous suivre.

Là-dessus ma femme jette un cri et devient pâle comme la mort, et le petit qui s’était endormi au téton de sa mère, réveillé d’un coup, pleurait et criait.

Cependant mon oncle disait aux gendarmes :

— Au nom de la loi, vous dites ; et quelle est cette loi qui permet d’arrêter un citoyen qui n’a ni tué, ni volé, ni fait rien de mal ?

— Ça ne nous regarde pas, nous avons des ordres, il faut nous suivre de suite.

— C’est bien, dit mon oncle, laissez-moi prendre mes souliers.

Pendant ce temps, j’essayai de tirer quelques explications des gendarmes, mais ils n’avaient d’autre réponse, sinon qu’ils avaient reçu des ordres. Je me figurais qu’ils allaient le mener à Excideuil, mais ils me dirent que c’était à Périgueux.

Le pauvre Gustou avait reçu comme un coup de masse sur la tête, et restait là, la bouche ouverte, ne disant mot. La Suzette geignait dans son tablier, et ma femme tout en pleurant, renversée sur une chaise, essayait de consoler son petit.

— Gustou, dis-je, va seller la jument.

Puis j’emmenai ma femme dans la grande chambre :