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Après la soupe, nous fîmes un bon chabrol, et ensuite mon cousin se mit à retourner la viande et les gogues, et y jeta du gros sel qui pétilla dans le feu.

Quand ce fut cuit, Aubin partagea la viande et chacun mangea sur son pain, jetant de temps en temps un morceau aux chiens qui l’attrapaient à la volée.

Après souper, mon cousin alla chercher une bouteille dans la cabane, versa deux doigts de goutte dans chaque verre et me dit, après avoir trinqué :

— Maintenant, tu vas prendre ma couverte et dormir un peu ; moi, il faut que je veille aux fourneaux, je te réveillerai pour aller au guet.

J’allai me mettre sur la fougère, dans la cabane, et comme j’étais fatigué, je m’endormis d’abord.

Au milieu de la nuit, mon cousin me toucha les pieds :

— Lève-toi, Hélie.

Je sortis de la cabane avec mon fusil. Le temps était clair, les étoiles rayaient, mais il ne faisait pas trop froid encore. Je m’approchai un peu du feu, tandis que mon cousin mettait ses souliers, et je coulai dans mon fusil une balle qu’il m’avait donnée. Quand il fut prêt, après avoir attaché les chiens qui nous auraient dérangés, nous partîmes.

Après avoir marché un bon moment, mon cousin me fit signe de faire doucement, et en passant au long d’un boqueteau de chênes, me montra un gros pinier où les sangliers, que nous appelons porcs-singlars, avaient laissé des traces de fange en venant s’y gratter. Étant entrés dans ce petit bois, le cousin me mena à une fosse entourée d’une feuillée, où nous nous assîmes sur de grosses pierres, le fusil sur les genoux. Par les intervalles entre les branches, on voyait un champ de raves où les bêtes noires avaient déjà foui : autour, c’était des bois et d’un côté la lande