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mort de le faire, mais il aurait pris notre promesse pour une ruse et notre manque de parole pour un tour d’adresse ; jamais de la vie il n’eût pensé que ce fût une coquinerie.

En attendant, c’était risible de le voir faire le bon enfant, avec sa figure dure, pleine de rides profondes, ses petits yeux gris et son nez pointu. Ah ! Nancy n’était pas brusquée maintenant ; lui qui lui avait donné plus d’une buffade lorsqu’elle était petite, il lui disait de bonnes paroles à cette heure, et lui faisait entendre tout doucement, qu’il valait mieux se presser. Que diable ! une fois que le mariage est fait, il n’y a plus rien à craindre, il ne peut plus se défaire ; mais tant qu’on n’a pas dit oui, on ne sait pas ce qui peut arriver. Sans doute, j’étais un brave garçon, et il aurait mis sa main au feu qu’il n’y en avait pas de pareil dans la paroisse, mais enfin, si je venais à changer d’idée ? et puis, cette fréquentation trop longue faisait caqueter les gens. Et il mignardait Nancy pour qu’elle me fît entendre d’avancer la noce. Ce vieux rusé qui ne lui avait jamais tant seulement apporté de la foire un tortillon d’un sou lorsqu’elle était petite, lui acheta-t-il pas un beau mouchoir de cou, à la foire de juillet, à Excideuil ! À moi, il ne me disait rien, connaissant bien que je ne l’aimais pas, parce qu’il avait été dur et brutal avec la pauvre drole ; mais il tournait de temps en temps autour de mon oncle, qui ne l’aimait pas plus que moi, mais qui ne le donnait pas tant à connaître, et parlait par-ci par-là de la noce. Mais mon oncle qui le voyait venir de loin, avec ses gros sabots, comme on dit, faisait celui qui ne comprend pas, et Jardon n’osait pas s’expliquer franchement, de peur de montrer ses craintes ; ça faisait que mon oncle riait en dedans de voir ce vieux renard chercher matoisement à lui faire entendre qu’il valait mieux faire le mariage de suite. Mais pourtant un jour, ennuyé de