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passer par Thenon, je m’en irai tout droit chez cet homme du Four-de-Marty, en passant par Ajat ; ça me raccourcira.

Quand ce fut convenu, nous descendîmes au moulin, et mon oncle dit : De vos côtés, Labrugère, vous ne connaissez guère les poissons, attendu qu’il n’y a par là en fait d’eau, que les mauvais lacs de la Forêt-Barade, qui sèchent l’été ; il faut que je tâche de vous en faire manger. Disant cela, il décrocha l’épervier : Ça n’est pas trop l’heure, mais manque d’autre chose, nous aurons toujours une poêlée de goujons.

En montant le long de l’eau, mon oncle tira quelques coups d’épervier, mais il n’amena rien que quelques acées et de mauvaises libournaises. C’est à rien faire, dit-il ; descendons au-dessous du moulin, nous attraperons du goujon dans le courant.

Et, en effet, dans quelques coups il remplit à moitié un crible que je portai à la maison.

Après cela, nous fûmes nous promener du côté de la Borderie, où pour lors, nous avions des maçons qui montaient une grange. Comme nous étions là, devisant du travail, Nancy sortit, entendant du monde, et dit le bonsoir en nous conviant à entrer.

— Merci, ma petite, répondit mon oncle, nous nous promenons un peu en attendant le souper.

— Voilà une belle drole, dit Labrugère à demi-voix.

— Oui, dit mon oncle, et, ce qui vaut mieux, elle est bonne et sage.

Tandis qu’ils regardaient les ouvriers, je m’en allai causer sur la porte avec Nancy, et je lui contai mon voyage, et que toute la nuit en cheminant, j’avais pensé à elle, tellement que le temps ne m’avait brin duré. Puis je lui dis comment en un rien de temps, Labrugère avait arrangé l’épaule de Gustou.

Tandis que je babillais avec elle, mon oncle s’était remis en chemin avec Labrugère, et il lui montrait