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Pendant ce temps, Gustou geignait comme notre mule quand on la sanglait un peu fort. Enfin, Labrugère ayant saisi le joint, pesa fortement de ses doigts en une certaine place, où la marque en resta, ce qui fit jeter un cri à Gustou ; en même temps, de son autre main, il fit faire un mouvement au bras qu’il tenait en l’air et le reposa sur le lit en disant :

— Voilà, mon garçon, ça y est.

Tout cela avait duré trois ou quatre minutes.

— Maintenant, nous dit Labrugère, il n’y a qu’à lui remettre sa chemise et à le laisser reposer. Mais il ne faudra pas qu’il fatigue son bras de quelques jours.

Qui fut content, ce fut Gustou. Voyez-vous, Labrugère, dit-il, je vous ai envoyé chercher parce que je savais bien qu’il n’y avait que vous pour une affaire comme ça. Maintenant, ajouta-t-il, je ne suis qu’un garçon meunier, et je ne puis vous récompenser que selon mes moyens et non comme vous le mériteriez : mais écoutez, si jamais je peux vous rendre service, comment que ce soit, de jour ou de nuit, je le ferai, quand je croirais me démancher l’autre épaule.

— Merci, merci, mon ami, ça peut arriver que j’aie besoin de vous. Mais à cette heure, il vous faut reposer parce que ça vous a secoué un peu. Allons, je reviendrai vous voir avant de partir.

En revenant dans la cuisine, Labrugère alla se laver les mains et dit : Hé bien, maintenant, si vous voulez, je boirai bien un coup.

Après s’être rafraîchi, Labrugère voulait repartir, mais mon oncle lui dit : Écoutez, il vous vaut mieux souper et coucher ici ; votre mule se reposera, et vous pourrez vous en aller demain de bonne heure si vous voulez.

— Ma foi, dit-il, je veux bien. Quand je suis chez de braves gens, je ne fais pas de façons. Demain matin je partirai à la pointe du jour, et, au lieu de