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demandé la cause de ça, elle me dit que Jardon s’était bien fâché après elle, et que de toute la soirée, il n’avait décessé de ramoner des histoires d’enfants ingrats et de vieux parents abandonnés dans la misère. Et puis, dit-elle, lorsque je suis sortie hier matin, et que j’ai vu le chapeau sur la tête de l’homme de paille, ça m’a donné un coup, et je m’en sens encore.

— Comment ça, le chapeau ? mais je l’ai jeté à terre hier matin.

Et me retournant, je vis le bonhomme coiffé.

— Ho ! Nancy, lui dis-je, ris, ma petite, ris, tout va bien : c’est sans point de doute notre Marion, qui venant au jardin après moi, aura remis le chapeau.

Et la prenant dans mes bras, je l’embrassai toute heureuse.

Puis après je lui dis que Jardon n’était pas si terrible que ça, qu’elle n’avait qu’à lui dire seulement que nous avions convenu mon oncle et moi, de le mettre au Taboury, sans lui demander notre part de revenu, et que ça l’adoucirait. Il s’adoucit, en effet ; mais pour en finir sur cet article, lorsque tout fut décidé, il vint pleurer près de mon oncle, disant que le bien ne portait pas assez de blé pour les nourrir, et qu’il n’y avait que deux noyers, de manière qu’il lui promit par chacun an, trois quartes de froment et quatre pintes d’huile. Lorsqu’il eût la promesse, il était plus pressé, je crois, que nous, de voir faire le mariage.

Au moment où nous allions convenir de l’époque, il arriva à Gustou un accident qui nous retarda. Le pauvre diable, en descendant d’un grenier d’une pratique avec un sac de blé, tomba et se démit l’épaule. On nous le ramena un lundi, vers la nuit, dans cet état. Après que nous l’eûmes déshabillé et couché, mon oncle me dit de prendre la jument et d’aller vitement quérir le médecin de Savignac.