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Un jour donc que M. Silain avait traversé le moulin, allant à la chasse devers Corgnac, nous montâmes à Puygolfier. Hélas ! la pauvre créature, qu’elle dépérissait ! ça me tournait l’estomac. Elle nous dit qu’il fallait bien vendre, puisque celui à qui devait son père parlait de le faire exproprier. Tout compte fait, il y avait quatre mille huit cents francs de dettes à payer ; et comme M. Silain voulait des terres et du pré sept mille cinq cents francs, il se trouvait qu’il aurait touché deux mille sept cents francs qui auraient été mangés bien vite ; elle avait peur de ça, la pauvre, on le voyait bien. Mon oncle lui dit alors qu’il y avait moyen d’arranger autrement les affaires : que nous verserions comptant ce qu’il fallait pour rembourser le préteur, et que pour le reste, nous payerions cinquante pistoles par chacun an, et en deux pactes, à la Noël et à la Saint-Jean. Par ce moyen tout ne s’envolerait pas à la fois. La demoiselle nous remercia bien de cet arrangement, mais elle craignait que son père ne voulût pas y consentir.

Là-dessus, mon oncle entra en pourparlers avec le notaire, et alla sur les terres pour bien se rendre compte de l’étendue, car pour la qualité nous la connaissions assez. Après avoir bien calculé, il dit au notaire que ça ne valait pas plus de sept mille francs, et que nous donnerions ce prix, aux conditions dont j’ai parlé déjà. M. Silain se débattit bien tant qu’il put ; il aurait voulu toucher plus d’argent, et il aurait fait une diminution pour être payé comptant du tout ; mais je refusai de faire l’affaire à d’autres conditions, et comme le créancier criait, et qu’il n’y avait pas d’autres voisins à qui ces terres pussent aller, il fut obligé de mettre les pouces. Par ce moyen, on espérait que la demoiselle Ponsie avait devant elle trois ou quatre ans de tranquillité ; mais avec M. Silain, on n’était jamais sûr de rien en fait de ces choses-là.