Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/141

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chambre ; celui qui avait la plus grande la prêtait ; ou dans une grange, ou sous quelque gros arbre de la place, quand le temps allait bien. Et, on ne buvait pas de la saloperie de bière comme maintenant, mais du vin blanc, ou de la piquette, ou de l’eau sucrée ; et les dames de bonne bourgeoisie, n’avaient pas honte de manger une rave cuite, au sucre, et de boire de l’eau avec du vinaigre aux framboises. Le lendemain on allait se promener par là dans les bois, et les amoureux y trouvaient leur compte ; et puis on faisait des crêpes qu’on mangeait avec du miel, et c’était à qui les tournerait le mieux et en mangerait le plus. Le soir après souper, on était fatigué, et alors on jouait à la poule, ou on chantait nos vieilles chansons, ou on racontait des histoires, ou on disait des contes, et c’était à qui dirait le meilleur. C’est dans ces fêtes champêtres que la jeunesse faisait connaissance, et que s’arrangeaient les mariages.

Aujourd’hui tout ça se perd : les vôtes dans les endroits, ce n’est plus guère rien, et on ne s’invite plus comme du temps jadis entre parents ou amis. On voit que ce n’est plus pour chacun, la grande fête où on mettait les petits plats dans les grands. Il y a tant maintenant de chemins, de routes, de chemins de fer, de voitures, et de ces autres machines qui vont le long des routes comme les chemins de fer ; et tant de fêtes, de concours, d’expositions et de courses, que les gens de la campagne s’en vont porter leur argent à la ville, et y dépensent quatre fois plus qu’ils ne faisaient autrefois chez eux. Et encore souventes fois dans les villes, ils s’ennuient parce qu’ils connaissent qu’on se moque d’eux, et qu’ils ne comprennent pas grand’chose à ce qu’ils voient.

On dit : les routes, les chemins, c’est une bonne chose. Sans doute, c’est commode de pouvoir rentrer sa besogne plus facilement, et de porter sur une charrette, un tiers de plus qu’on n’aurait fait autre-