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C’est que le matin, il allait faire un petit tour à la chasse avant sa classe, et que le soir, il y retournait encore si le temps allait bien. Ça retardait quelquefois l’heure de l’entrée en classe, et ça avançait aussi de temps en temps l’heure de la sortie, mais les enfants ne s’en étaient jamais plaints.

Et encore, il arrivait des fois que, tandis qu’il était là, le dossier de sa chaise appuyé au mur, écoutant réciter les leçons en faisant tourner entre ses doigts son canif, d’un petit coup sec, sa chienne Diane, jolie bête à front bombé de la race Dupuy, venait s’asseoir en face de lui et le regardait en balayant le pavé de sa queue ; alors il se trouvait qu’il avait quelque chose à faire à sa terre : des pommes de terre à semer, des haricots à ramasser, des gerbes à lier, un bouvier à aider, et il nous donnait congé.

La chasse était sa passion du jour. Le soir il en avait une autre, qui était le boston, espèce de poule qu’on appelle ainsi dans l’endroit. Tous les soirs il allait faire sa partie au Lion d’Or, et nous connaissions bien le lendemain s’il avait gagné ou perdu. Lorsqu’il avait gagné, en écoutant lire ou réciter, il avait la main dans la poche de sa culotte et comptait son gain tout le temps, et on entendait les sous tomber lentement dans le fond de sa poche : un, deux, trois, quatre… et il recommençait comme ça des heures, sans nous rien dire. Mais quand il avait perdu, par exemple, il n’était pas commode, il nous corrigeait ferme pour la moindre chose : son fort était de tirer les oreilles et les cheveux ; il tapait aussi des coups de règle sur les doigts.

M. Lamothe me parla de chez nous, et me demanda des renseignements sur la manière dont on étudiait à Périgueux. Les plumes de fer lui paraissaient une mauvaise invention ; aussi il continuait à tailler la moitié de la journée les plumes d’oie que les enfants arrachaient à l’aile de leurs bêtes et pas-