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et monta dans le grenier à foin : je ne le revis plus.

Le lendemain, de bonne heure, la Minette fit chauffer de la soupe et nous la fit manger. Lorsqu’il fut question de compter, elle dit à ma mère qu’elle aurait assez besoin de son argent à Périgueux où tout était cher ; qu’elle payerait en repassant s’il lui en restait. Ma mère la remercia bien, mais lui dit que ça lui ferait de la peine de s’en aller comme ça sans payer ; joint à ça qu’elle ne savait pas comment il en adviendrait, et si nous repasserions par Saint-Pierre.

— Alors, dit la vieille, puisque c’est ainsi, vous me devez dix sous.

Ma mère connut bien qu’elle la ménageait beaucoup ; elle lui donna les dix sous en l’accertainant qu’elle se souviendrait toujours d’elle, et de sa bonté pour nous autres.

La Minette fit aller ses bras et dit :

— Il faut bien que les pauvres s’entr’aident !

Puis elles s’embrassèrent fort, ma mère et elle, et nous partîmes garnis de beaucoup de souhaits de bonne chance, qui comme tant d’autres ne servirent de rien.


De bonne heure, donc, nous revoilà sur la grande route déserte. Il faisait bon marcher ; le soleil se levait, fondant une petite brume qui montait dans l’air et disparaissait. Derrière nous les coqs de Saint-Pierre chantaient fort, ce qui, avec le brouillard s’élevant, présageait la pluie.