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du brasier, et ensuite nous nous couchions dans la cabane sur des fougères et des peaux de brebis. Il me fallait me relever quelquefois, pour aller voir aux fourneaux, mais je laissais ma femme reposer tranquillement, gardée par le chien couché en travers de la porte : je ne puis me tenir de le redire, c’était là une jolie vie, libre, saine et forte.


Ainsi faisions-nous au commencement que nous fûmes mariés ; mais lorsque, neuf mois plus tard, ma femme eut un drole, elle le portait avec elle, et après qu’il avait tété son aise, le couchait dans la cabane où il dormait tout son saoul. Tant qu’il n’y en eut qu’un, ça alla bien ; mais lorsque le second survint, va te faire lanlaire ! il lui fallut rester aux Âges, et tenir le dernier-né, tandis que l’autre commençait à marcher, pendu à son cotillon, et mon pauvre Jacquou fut obligé de rester seul au milieu des bois, et de cuire sa soupe lui-même. Et à mesure que le temps passait, tous les deux ans, deux ans et demi, à peu près, il y avait un autre drole à la maison, de manière que, pour ma femme, il ne fut plus question de la quitter, jusqu’à ce que l’aîné, ayant sept ou huit ans, gardait les plus petits.

Je ne travaillais, d’ailleurs, pas toujours dans les environs, ni même dans la Forêt Barade, quoique ce fût là mon renvers ou quartier. J’étais quelquefois au loin, dans la forêt de