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ouvrir ; j’avais pourtant bien dit à mon cousin de la fermer et de l’attacher pendant quelques jours.

La chienne entra, traînant un bout de corde qu’elle avait coupée avec ses dents, et sauta après mon père en aboyant joyeusement.

Ma mère ne dormit pas du reste de la nuit, tracassée de cette affaire-là, et comme sentant approcher un malheur. Le matin, sur les neuf heures, nous finissions de manger la soupe, quand tout à coup la chienne sortit en aboyant, et, une seconde après, nous entendîmes un coup de fusil, et quelques plombs vinrent ricocher contre la porte ouverte, jusque dans la maison, l’un desquels blessa ma mère au front, ce qui lui fit jeter un cri. Mon père, alors, saute sur son fusil, écarte ma mère qui veut l’arrêter, et court dehors. Devant lui il voit la chienne étendue, morte, le sang lui sortant par la gueule, et, à l’entrée de la cour, Laborie qui rendait au garde son fusil déchargé.

— Ah ! canaille ! tu ne feras plus de misère à personne !

Et, avant que l’autre ait songé à se sauver, il épaule son fusil et l’étend raide mort.

Tandis que Mascret, pâle et lui-même plus mort que vif, ne savait où il en était, ma mère survenait avec de grands cris.

— Ah ! Martissou, qu’as-tu fait !

— C’est lui qui l’a cherché, répliqua mon père ; ça devait de toute force arriver.