Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/404

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de ce jeune corps superbe que ne gâtaient pas les affiquets féminins ! Des idées folles me passaient par la tête, en la voyant là, tout près de moi, à ma merci, pour ainsi dire. De son chapeau, que je tenais, montait la bonne odeur de sa chair : j’étais comme ivre, et je sentais ma raison s’en aller.

Alors je fis un effort sur moi-même, et je sortis pour échapper à la tentation, la laissant seule finir de se sécher à son aise. L’orage était passé ; on n’entendait plus que quelques lointains roulements du tonnerre. Une bonne fraîcheur avait succédé à la chaleur étouffante de tout à l’heure. Autour de la maison, les feuilles luisantes des grands châtaigniers laissaient choir des gouttes qui faisaient trembler les fougères venues à l’ombre. Je m’éloignai un peu, marchant à pas lents dans le mauvais chemin semé de flaques d’eau. Dans les bois, tout semblait rajeuni ; l’herbe était plus verte, les fleurs des genêts plus jaunes, celles des bruyères plus roses, cependant que les scabieuses sauvages, chargées d’eau, inclinaient leurs têtes sur leurs tiges grêles, et que les houx nains faisaient briller leurs feuilles rigides. Le soleil tombait derrière l’horizon, envoyant à travers les bois ses derniers rais qui faisaient briller les gouttelettes tremblotantes aux épillets de la folle avoine. Une senteur rustique et fraîche venait de la terre abreuvée où foisonnaient les plantes sauvages : thym, sauge, marjolaine, serpolet, et l’herbe