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passer un cornet de tabac à priser pour ceux qui en usaient.

Le second jour, nous ne fîmes que deux grandes lieues de pays, jusqu’à Thenon ; mais la troisième journée fut dure, surtout pour ceux qui traînaient leurs sabots, car l’étape est longue, de sorte que nous arrivâmes tard à Périgueux, où l’on nous boucla incontinent à la prison, qui était en ce temps dans l’ancien couvent des Augustins, sur les allées de Tourny.

Le lendemain, le président des assises vint m’interroger et me demanda si j’avais un avocat.

— Oui, monsieur, lui répondis-je, c’est M. Vidal-Fongrave.

— Ah ! M. Vidal-Fongrave ?

— Oui, monsieur, il nous défend tous.

Et alors je compris à son étonnement que notre affaire ne lui paraissait pas bonne, car M. Fongrave, l’« Honnête-Homme », comme on l’appelait, avait la réputation de ne pas se charger d’affaires injustes.

Je lui avais écrit de Sarlat pour le prier de nous défendre, et je lui avais raconté tout au long ce qui s’était passé. Après que nous fûmes arrivés à Périgueux, il venait souvent à la prison et nous voyait tous, moi principalement, afin de bien connaître l’affaire. Je me souviens qu’un jour, après que je lui eus exposé mon plan et raconté comment je m’y étais pris pour forcer le château, il me dit en me tutoyant, comme m’ayant vu tout petit :