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narines ; mais aucun bruit léger ou sourd, même lointain, n’arrivait jusqu’à moi : j’étais dans un tombeau.

On pense que je faisais là de tristes réflexions. J’étais condamné à mourir lentement de faim dans le fond de cette basse-fosse ; je connaissais trop le comte de Nansac pour en douter un instant. Pourtant je ne perdis pas courage, et, après m’être reposé, je recommençai à user la corde à la muraille non sans m’écorcher aussi les mains. Et elle tenait toujours, cette corde ; heureusement, en tâtonnant, je trouvai une pierre plus rugueuse que les autres, en sorte qu’après avoir raclé à plusieurs reprises, pendant une dizaine d’heures, je pense, je sentis mes liens se relâcher, et bientôt mes mains furent libres. Le premier usage que j’en fis, ce fut de me débarrasser du sac qui m’enveloppait la tête, et du mouchoir qui me couvrait la bouche, après quoi je me déliai les jambes et je me mis en pieds.

J’étais toujours dans la plus profonde nuit, dans un noir de poix. En marchant à petits pas, les mains sur la muraille, je m’aperçus bientôt que le souterrain était de forme circulaire ; mais tout de suite une idée me vint qui m’arrêta net : s’il y avait un puits dans le sol de l’oubliette ?

Je pensai un peu à ça, et puis je repris ma marche, lentement, prudemment, allongeant le pied en avant pour m’assurer qu’il n’y avait pas de vide. Étant revenu à mon point de départ, ce