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de fusil, il coupa dans le taillis et je ne le vis pas.

« Sale bête, — pensais-je en m’en retournant le matin, — tu m’as enseigné : je ferai comme toi. »

Et en effet, quelques jours après, faisant un long détour j’entrai sous bois et j’arrivai à mon affût par le couvert. Je restai là bien quatre heures, immobile, écoutant les bruits lointains. C’était le coup de fusil de quelque pauvre diable au guet comme moi ; le galop d’une harde de sangliers à travers les fourrés ; le hurlement d’une louve en folie appelant le mâle ; les abois des chiens de garde humant dans le vent les émanations des bêtes fauves ; le « clou ! clou ! » d’une chouette enjuchée près de là ; le bruit presque imperceptible, transmis par la terre, d’une charrette cahotant lourdement sur un chemin perdu, au cours d’un de ces charrois nocturnes aimés des paysans ; ou bien encore de ces rumeurs inexpliquées qui passent dans la nuit. Autour de moi parfois, des bruits vagues : le battement d’ailes d’un oiseau surpris par un chat sauvage, la coulée d’un blaireau dans le taillis, ou le fouissement souterrain de quelque bestiole inconnue.

Malgré ma patience, je commençais à désespérer, quand tout à coup je vois venir dans le sentier un gros animal dont les yeux luisaient comme des chandelles. Le loup marchait doucement comme une bête bien repue, qui avait fait