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désert : c’était de mauvaises friches, avec des touffes de cette plante dure appelée poil de chien ; des vignes perdues où quelques pousses de figuier sortaient de terre sur de vieilles racines ; et, tout autour, des taillis de chênes aux feuilles mortes couleur de tan. Sur la teinte grise des terres, où pointait une herbe fine et sèche parmi les lavandes, et sous ce ciel d’automne assombri où passaient des nuages chassés par le vent, la personne de ma chère Lina se montrait joliette en ses simples habillements. Elle avait un cotillon court, de droguet, qui faisait de gros plis roides ; une brassière d’indienne à fleurs qui marquait sa taille fine et sa jeune poitrine ; un devantal de cotonnade rouge, et, sur la tête, un mouchoir à carreaux bleus, trop petit, semblait-il, pour retenir ses cheveux châtain clair, qui débordaient sur le cou et sur le front, agités par le vent.

Je restai là, un moment, à la regarder, sans bouger, puis j’attirai son attention par de petits sifflements qui firent accourir de mon côté son chien jappant. M’étant montré, je lui fis signe de venir à un endroit où l’on ne pouvait nous voir, et, lorsqu’elle y fut, ayant apaisé son chien, je l’embrassai longuement, la serrant contre moi, comme si j’avais craint de la perdre. Elle penchait sa tête sur ma poitrine, dolente, et semblait ainsi se mettre sous ma protection.

Hélas ! ce n’était pas la mort de Bonal qui me plantait en bonne posture pour la protéger.