Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/30

Cette page a été validée par deux contributeurs.

fond, la maie où l’on serrait le chanteau ; sous la maie, une tourtière à faire les millas, et, à côté, un sac de méteil à moitié plein, posé sur un bout de planche pour le garder de l’humidité de la terre. À l’entrée, près de la porte, était dressée l’échelle de meunier qui montait à la trappe du grenier, et, sous l’échelle, un pilo de bois pour la journée. Dans un autre coin était l’évier, dont le trou ne donnait guère de chaleur par ce temps de gel, et au milieu, une mauvaise table avec ses deux bancs. Aux poutres pendaient des épis de blé d’Espagne, quelques pelotons de fil, et c’était tout. La maison avait été pavée autrefois de petits cailloux, mais il y en avait la moitié toute dépavée, ce qui faisait des trous où l’on marchait sur la terre battue.

En ce temps dont je parle, je ne faisais pas guère attention à ça, étant né et ayant été élevé dans des baraques semblables ; mais, depuis, j’ai pensé qu’il était un peu bien odieux que des chrétiens, comme on dit, fussent logés ainsi que des bêtes. c’est le pire encore, c’est lorsque la famille est nombreuse, et que tous, père, mère, garçons et filles, petits et grands, logent dans la même chambre entassés dans deux ou trois lits, à trois ou quatre, en maladie comme en santé ; tout ça n’est pas bien sain, ni convenable. Il n’est pas honnête, non plus que le père et la mère se dépouillent devant leurs enfants, les sœurs devant les frères. Et puis quand ces enfants prennent de l’âge, il n’est pas bonnement