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gluante, et qu’elle détachait avec son doigt en ratissant. « Ah ! me pensais-je en la voyant ainsi, quel plaisir de planter le couteau dans la tourte enfarinée, de manger le pain savoureux de sa ménagère, ce pain qu’elle a fait de ses mains, qu’elle a parfumé de la bonne odeur de sa chair ! Quel bonheur de communier autour de la table de famille, enfants et tous, avec ce pain de bon froment dans lequel elle a mis, pour ainsi parler, quelque chose de son affection ! » Et, rêvant à cela, je nous voyais déjà, Lina et moi, soupant avec une troupe de petits droles…

Mais les choses ne marchent pas à la fantaisie des hommes ; ça irait trop bien, ou peut-être, des fois, plus mal. Pendant longtemps, la Mathive m’entretint de ses desseins et me fit reluire des espérances qui me réjouissaient le cœur, quoique je visse bien qu’elle n’était pas franche en me parlant de Lina : tant nous sommes aisés à nous laisser piper en pareille affaire ! Elle ne tarda pas d’ailleurs à changer de langage. Un dimanche, c’était le jour de la Chandeleur, comme j’étais sur la place, devant l’église de Bars, attendant à l’accoutumée la sortie de la messe, la vieille m’aborda et, me tirant à part, sans plus me lanterner, me dit que, sur mon refus plusieurs fois répété, elle avait loué un domestique, et que, par ainsi, je devais comprendre que les projets qu’elle m’avait fait entrevoir ne pouvaient plus tenir ; elle le regrettait fort, ses préférences ayant toujours été pour moi.