Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/277

Cette page a été validée par deux contributeurs.

en après, je pris quelques précautions, lorsque j’allais dans les parages où je risquais de rencontrer le comte de Nansac. J’emportais un bon billou, qui est autant à dire comme une bonne trique, ou bien un vieux fusil à pierre qui venait de l’aïeul de Bonal, mais dont lui ne s’était jamais servi, n’ayant de sa vie, ainsi qu’il disait, tué aucune créature vivante. Au reste, que je fusse loin ou près de la maison, j’avais toujours dans ma poche le couteau de mon père dont la lame mesurait dans les six pouces, et avec lequel j’avais fait reculer Mascret, encore que je ne fusse alors qu’un enfant. Ainsi précautionné, je fus six ou huit mois sans revoir le comte, si ce n’est une fois au loin. De temps à autre, j’apercevais bien Mascret ou l’autre garde qui avaient l’air de m’épier à distance, mais de ceux-là, je ne me souciais guère, et puis j’avais autre chose en tête qui me distrayait d’eux.


Lorsqu’on est amoureux, toutes les idées se tournent du côté de la bonne amie, et les pas font comme les idées : aussi je ne perdais aucune occasion de voir Lina. Sa mère essayait toujours de m’amadouer, et pour ce faire elle s’attifait tant mieux qu’elle pouvait, et n’en était que plus laide, ce dont je riais en moi-même, pensant au dicton du chevalier :


À vieille mule, frein doré.

Quelquefois le dimanche, suivant toujours sa