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cela étant, de tous les travaux, il n’en est pas de plus sains, de plus moralisants que ceux de la terre. Plus on est en rapport avec elle, et plus on a de sujet de s’en applaudir, tant au point de vue de la santé du corps que de celle de l’esprit.

Et de là il continuait, me disant de belles choses sur ce sujet, me montrant qu’une des conditions du bonheur était de vivre libre sur son domaine, du fruit de son travail :

— Comme dit le chevalier, « liberté et pain cuit, sont les premiers des biens ». Manger le pain pétri par sa ménagère, et fait avec le blé qu’on a semé ; goûter le fruit de l’arbre qu’on a greffé, boire le vin de la vigne qu’on a plantée ; vivre au milieu de la nature qui nous rappelle sans cesse au calme et à la modération des désirs, loin des villes où ce qu’on appelle le bonheur est artificiel, — le sage n’en demande pas plus…

Et quelquefois ayant ainsi parlé, il restait longtemps rêveur, comme s’il eût eu des regrets.

Le dimanche, ainsi que je l’ai dit, Bonal n’allait pas à l’église, pour éviter le trouble que sa présence aurait pu causer. Il se promenait le long d’une ancienne allée de châtaigniers, qui partait de la cour de la maison et aboutissait à l’extrémité du défrichement de La Granval, où elle était fermée par un gros marronnier planté par le milieu. À l’ombre de cet arbre, il se reposait sur un banc qu’il avait construit, et méditait.