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rait sans résistance et sans murmure. Mais il ajouta que cette obéissance lui coûtait beaucoup, parce qu’il les aimait tous comme ses enfants, et qu’il avait espéré leur faire entendre longtemps la parole de Dieu, et finalement reposer dans le petit cimetière où il en avait tant conduit déjà. Il parla ainsi longuement, avec tant de cœur et de bonté que tout le monde en était ému et que les femmes, les yeux mouillés, se mouchaient avec bruit. Mais, ce moment d’émotion passé, la colère prit le dessus, et, à la sortie de l’église, les gens s’assemblèrent et se dirent entre eux qu’il ne fallait pas laisser partir le curé. Tous, les uns et les autres, se montèrent la tête de manière que plusieurs des plus décidés s’en allèrent trouver le chevalier de Galibert, toujours coléré, quoique ce fût un bon homme. Lui, voyant comme ça tournait, monta sur les marches de la vieille croix, et commença à prêcher les gens. Il leur dit que la conduite de leur curé, sa patience, sa résignation dans cette circonstance, prouvaient combien il était digne de leur affection et de leur respect.

— Mais, nous autres paroissiens, nous avons bien le droit d’agir un peu différemment… Nous pouvons nous rappeler qu’autrefois le peuple élisait ses curés et participait à l’élection des évêques et même des papes. Ce n’est pas une raison parce que des rois se sont entendus avec d’aucuns de ceux-ci pour confisquer nos antiques privilèges, de ne pas nous en souvenir.