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presse de gens à l’haleine vineuse, sales, suants et échauffés par la marche, ou ayant des plaies, une odeur dégoûtante. On commençait à ne plus se gêner ; on parlait fort, les gens se déboutonnaient ; on défaisait les manches pour se frotter le bras ; les femmes se dégrafaient le corsage pour faire toucher au saint une tétine gonflée par un dépôt de lait, ou se troussaient pour détacher leurs jarretières et se frotter les jambes à nu, laissant voir sans honte leurs genoux crasseux. Parmi ceux qui étaient là en curieux, comme moi, il y avait parfois une rumeur de risée en voyant tout cela ; mais les bonnes gens croyants, qui attendaient leur tour et guettaient le saint, regardaient de travers les moquandiers. Du milieu de ce bourdonnement sourd, de ce brouhaha de réclamations et d’apostrophes salées, s’élevait parfois la plainte d’un malade poussé par une main brutale, ou le cri d’une femme dont le pied était écrasé par un gros soulier ferré. Car tous ces gens, comme affolés, se poussaient, se bousculaient, se marchaient sur les orteils et s’enfonçaient les côtes à coups de coudes, avec des jurons étouffés. Et, dans ce temps, à l’entrée du petit chœur, le curé récitait toujours des versets de l’évangile, et les sous tombaient toujours, emplissant presque la soupière du sacristain.

De la cohue pressée sortaient des hommes qui se reboutonnaient, des femmes qui s’agrafaient ou rattachaient leurs bas bleus avec le bout de