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chœur, M. Laborie, le régisseur, en tête, avec sa figure dure et fourbe en même temps. Ensuite vinrent les bonnes femmes voilées, les paysans, métayers du château, journaliers et autres manants comme nous. Pour tous ceux qui étaient sous la main des messieurs, il fallait de rigueur communier aux bonnes fêtes, c’était de règle ; pourtant ma mère n’y alla pas cette fois ; mais on sut bien le lui reprocher puis après.

La messe finie, dom Enjalbert posa son ornement doré sur le coin de l’autel, et, la grille de la balustrade ayant été ouverte, on nous fit entrer tous dans le chœur pour prier devant la crèche. On chanta d’abord un noël ancien, entonné par le chapelain, ensuite chacun fit son oraison à part. Tout ce monde à genoux regardait pieusement le petit Jésus rose, aux cheveux couleur de lin, en marmottant ses prières, quand voici que tout d’un coup il ouvre les bras, remue les yeux, tourne la tête et fait entendre un vagissement de nouveau-né…

Alors de cette foule de paysans superstitieux sortit discrètement un : « Oh ! » d’étonnement et d’admiration. Ces bonnes gens, bien sûr, pensaient pour la plupart qu’il y eût là quelque miracle, et en restaient immobiles, les yeux écarquillés, badant, avec l’espoir que le miracle allait recommencer.

Mais ce fut tout. Lorsque nous sortîmes en foule, tout ce monde babillait, échangeant ses impressions. D’aucuns tenaient pour le miracle,