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passait, tout près ; heureusement, il n’était pas cher en ce temps-là.


Quand j’eus mes douze ans, le curé me fit faire ma première communion. Moi, voyant que tous les droles de mon âge la faisaient, je m’efforçais de les surmonter en apprenant le catéchisme de façon à contenter le curé en ça, comme en tout. Au reste, pour toutes ces choses de la religion, il n’était pas tracassier et exigeant, comme il y en a. Il avait tôt fait de me confesser ; d’ailleurs vivant chez lui, toujours sous ses yeux, lui disant tout ce que je faisais, le consultant lorsque j’étais embarrassé, il me connaissait aussi bien que moi-même je me connaissais.

La veille de la première communion, pour toute confession, il me demanda si j’avais encore de la haine dans le cœur contre le comte de Nansac, et, après que je lui eus répondu par un « oui » timide, il me dit de si belles choses sur l’oubli des injures et me fit tant d’exhortations de pardonner à l’exemple de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que je l’assurai que je m’efforcerais de tout oublier, et de chasser la haine de mon cœur. J’étais bien dans les dispositions de le faire à ce moment-là, mais ça ne dura pas.

À ce propos, je conviens bien que c’est une grande et belle chose que de pardonner à ses ennemis et de ne pas chercher à se venger ; seulement, il faudrait que le pardon fût réciproque entre deux ennemis, parce que, si l’un