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trouva pas mauvais, car lui-même prêchait toujours en patois pour être compris. Il m’expliqua donc ce que voulait dire ce latin, et je fus content, parce que je trouvais sot de dire des mots sans savoir ce que je disais. J’étais crâne, ce jour-là, bien habillé d’étoffe burelle, et aux pieds une paire de souliers que la demoiselle Hermine avait commandés à Montignac. Moi qui n’en avais jamais eu, je m’en carrais, et je trouvais ces souliers tellement beaux qu’en marchant je ne pouvais m’empêcher de baisser la tête pour les regarder. Le chevalier m’avait acheté une casquette pour mes étrennes, de manière que j’étais tout flambant, ce jour-là, car la casquette était encore neuve, ayant l’habitude d’aller tête nue au soleil, à la pluie et au froid.

À partir de ce moment, je servis de marguillier au curé, et le vieux Francès n’eut plus besoin que de sonner l’Angélus et se promener avec sa bourrique pour ramasser le blé et l’huile qu’on lui donnait pour ses peines, comme c’était la coutume. J’étais content plus qu’on ne peut le dire d’être utile au curé. Lorsqu’il fallait porter le bon Dieu à quelque malade, je m’en allais devant avec un falot, sonnant la clochette, et derrière le curé suivaient la demoiselle Hermine et quelque deux ou trois vieilles femmes du bourg, disant leur chapelet. Tandis que nous passions dans les chemins pierreux, les gens qui étaient à travailler par les terres faisaient