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de la brande et des fougères sèches qui marquaient qu’on y venait au guet : je m’arrangeai sur cette litière et je m’endormis.

Au matin, dès l’aube, je repartis, et, pendant de longues heures, je marchai au hasard, m’offrant dans les grosses maisons mais inutilement. Ce jour-là, je ne mangeai pas, ayant toujours honte de mendier, et, quand vint la nuit, je me couchai au pied d’un châtaignier, dans un tas de bruyère coupée. Je ne sommeillai pas tout d’abord, car je commençais à m’inquiéter de ne pas trouver à me louer, et je me demandais ce que j’allais devenir si cela continuait ainsi. Enfin, malgré cette inquiétude et les tiraillements de mon estomac, je finis par fermer les yeux.

Le soleil me réveilla, et je me remis en marche ; mais j’avais tellement faim qu’en passant dans un village appelé La Suzardie, et voyant sur sa porte une femme qui avait une bonne figure, je surmontai ma honte et je lui demandai la charité, « pour l’amour de Dieu », selon l’usage, et en baissant les yeux. La femme alla me chercher un morceau de pain, qui était aussi noir et dur que pain que j’aie vu ; malgré ça, je me mis à le manger tout de suite comme un affamé que j’étais. Alors, m’ayant questionné, comme de bon juste, mes réponses ouïes, cette femme m’enseigna le chemin du château d’Auberoche, assez près de Fanlac, où peut-être on me prendrait. Mais, arrivé à Auberoche, le