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de danger, ils s’abattaient au bord du Gour, et buvaient à gorgées en levant le bec en l’air pour faire couler l’eau. Des fois, les uns se baignaient en faisant aller leurs ailes, comme des enfants qui battent l’eau à la baignade, et, après, se secouaient pour se sécher et s’éplumissaient.

Il me semblait, à moi, sur qui pesait toujours, quoique moins lourdement, le malheur de mon père, il me semblait, je dis, que ces petites bêtes, libres dans les bois, étaient heureuses, n’ayant souci de rien, se levant avec le soleil, se couchant avec lui, et, le jabot bien garni, dormant tranquilles la tête sous leur aile. Pourtant, je me venais à penser aussi que l’hiver elles n’étaient pas trop à leur affaire, lorsqu’il gelait fort et que la neige était épaisse : il y en avait alors qui devaient jeûner. Les merles, les grives, les geais, trouvent toujours quelques grains de genièvre, quelques prunelles de buisson, des baies de viorne ou de sureau, ou encore quelques alises restées à la cime de l’arbre. Mais les autres pauvres petits oisillons ne trouvent plus de graines, ni de bestioles à picorer, et, si la neige tient, si le froid est dur, affaiblis par le jeûne, une nuit où il gèle à pierre fendre, ils tombent morts de la branche, et restent là, le bec ouvert, les plumes hérissées, les pattes roides. D’autres fois, c’est un chat sauvage qui, dans l’obscurité, monte à l’arbre et les emporte, ou encore un chasseur à l’allumade, qui vient