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trop, et qu’ainsi il n’en voulait pas davantage.

Ma mère se désolant de ça, je lui dis de ne pas se faire de mauvais sang en raison de moi ; que je resterais très bien seul à la tuilière, sans avoir peur. Malgré ça, elle n’en était pas plus contente ; mais ainsi qu’on dit communément : « besoin fait vieille trotter » ; les pauvres gens ne font pas souvent à leur fantaisie, et il lui fallut se résigner.

Tous les matins donc, à la pique du jour, elle s’en allait à Marancé, qui était à environ trois quarts d’heure de chemin ; moi, je restais seul. Le premier jour, je ne bougeai guère de la maison et des environs, mais je m’ennuyai vite d’être ainsi casanier, et je me risquai dans la forêt. Des loups, je n’en avais pas peur, sachant bien qu’en cette saison où ils trouvent à manger des chiens, des moutons, des oies, de la poulaille, ils ne sont pas à craindre pour les gens, et dorment dans le fort sur leur liteau lorsqu’ils sont repus, ou sinon, vont rôder au loin autour des troupeaux. D’ailleurs, j’avais dans ma poche le couteau de mon père attaché au bout d’une ficelle, et, avec un bâton accourci à ma taille, ça me donnait de la hardiesse. Pour les voleurs, on disait bien qu’il s’en cachait dans la forêt, mais je n’y pensais point : c’est un souci dont les pauvres sont exempts ; malheureusement, il leur en reste assez d’autres.

Dans les temps anciens, à ce qu’il paraît,