Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nuise. Or, ôtez la propriété, l’aveugle et impitoyable intérêt qui l’accompagne ; faites tomber tous les préjugés et les erreurs qui les soutiennent, il n’y a plus de résistance offensive ou défensive chez les hommes ; il n’y a plus de passions furieuses, plus d’actions féroces, plus de notions, plus d’idées de mal moral. S’il en reste, ou s’il s’en élève quelques traces, elles sont causées par des accidents si légers, et de si peu de conséquence ; c’est par des oppositions de volontés qui offusquent si peu, chez les contendants, les lumières de la raison, que loin d’affaiblir le domaine de la bienfaisance naturelle, ces faibles chocs n’en feraient que mieux sentir l’importance : en un mot, comme nous l’avons vu ailleurs, il n’y aurait dans les sociétés que quelques petites discordances ; elles en relèveraient l’harmonie, et lui nuiraient moins qu’elles ne l’empêcheraient de languir.

Ce que sont, en présence de la Divinité, les imperfections morales
de la créature.

De tout ce que je viens d’établir, les moralistes concluront, que puisque l’homme est une créature libre, qui pouvait et devait rester dans un état heureux, il a dû se rendre bien désagréable en présence de son bienfaiteur, en violant, comme de propos délibéré, ses premières intentions : ils diront qu’il faut que cette créature soit bien insensée de s’être ainsi livrée à une infinité de maux dont il lui était si facile de voir et d’éviter le danger ; que, par conséquent, il faut que le genre humain soit bien coupable aux yeux de la Divinité, et bien digne de châtiment.

En usant, comme nos philosophes, de comparaison, il serait facile de faire voir que l’homme mériterait plus de pitié que de courroux de la part de la Divinité, et plutôt