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facultés les plus propres à faire avancer la science par leur opposition. Cuvier était né avec un esprit singulièrement lucide, une mémoire infatigable ; un jugement sûr et difficiles à contenter. Geoffroy trouvait une sorte de béatitude infinie dans la découverte des lois de la nature ; cloué d’une merveilleuse finesse d’intuition, il poursuivait les causes et les rapports au moyen de cette seconde vue de l’intelligence qui va plus loin que les faits. C’était l’homme des aperçus hardis, des idées générales et des enchaînemens lumineux. Nous savons que dans les régions étroites d’une certaine caste de la science on traite ces esprits-là de rêveurs ; mais c’étaient des rêveurs aussi dans leur temps que ce Galilée, que ce Kepler, que ce Newton, dont à cette heure les proportions surhumaines nous étonnent. Cuvier s’était beaucoup appliqué aux classifications : Geoffroy refusa de s’y arrêter pour suivre le penchant qui l’entraînait vers les vues à distance et les révélations soudaines.

Une nuit qu’il s’était mis an lit, triste et préoccupé d’un grand travail sur les insectes, il lui arrive ce qui s’est présenté à d’autres inventeurs : pendant un sommeil calme et non interrompu, toutes ses idées de la veille se coordonnent dans sa tête ; il découvre et voit nettement des yeux de l’esprit tous les rapports analogiques des des séries animales. À son réveil, qui est subit, ses bras s’agitent violemment, et au même instant il jette ce cri, ce même cri qu’Archimède : J’ai trouvé ! Tout le monde se réveille autour de lui ; on s’effraie de cette émotion dont on ne tarde pas à connaître le motif rassurant. Ce seul trait peut servir à dessiner la