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semblait au-dessus de ses forces : la voix de Danbenton fixa ses incertitudes : « J’ai sur vous, lui dit-il, l’autorité d’un père, et je prends sur moi la responsabilité de l’événement. Nul n’a encore enseigné à Paris la zoologie ; tout est à créer. Osez entreprendre, et faites que dans vingt ans on puisse dire : la zoologie est une science, et une science française. » Le jeune Geoffroy eut confiance dans la parole du vieillard, et se soumit à l’honneur imprévu qui lui ouvrait une nouvelle carrière.

Nous l’avons entendu plusieurs fois parler avec attendrissement du calme qui régnait alors au Jardin des Plantes, comparé avec l’agitation de la ville. Toutes les richesses minéralogiques et végétales que renfermait l’établissement furent épargnées. Cette main furieuse qui poursuivait les majestés de Saint-Denis sous leur chape de plomb et les trésors de nos églises jusque dans le sanctuaire, s’arrêta devant les frêles enveloppes de verre qui recouvraient les objets précieux de la nature : un arrêté de la commune avait déclaré mauvais citoyen celui qui attenterait au Jardin des Plantes. Temps singulier, où il suffisait d’un mot pour détruire et pour conserver, où Haüy emprisonné était rendu à l’Académie sur une note qui le réclamait comme utile aux sciences ; où un décret de la Convention improvisait en quelques jours une armée et un grand naturaliste !

Le jeune Geoffroy traversa ces années glorieuses et sinistres, calme, et les yeux fixés, avec sérénité, sur ce rayonnement de la science dont il fit le soleil de toute sa vie. La terre tremble, il marche toujours ;