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consulter un livre de sa bibliothèque, Napoléon leva la main pour l’atteindre. Un courtisan, Mortier, intervint et dit : « Laissez-moi faire, sire, je suis plus grand que vous. » L’empereur répondit avec un sourire : « Dites plus long. » Alexandre-le-Grand était petit.

Il est bon de faire observer que le masque du docteur Antomarchi a été moulé sur un crâne déjà affaissé par l’exil, par la maladie et par les chagrins : nous n’avons pas l’empreinte de la tête de Napoléon dans son temps d’exaltation et de puissance. Ce que nous avons n’est qu’une ruine, mais c’est une ruine monumentale, sur laquelle on découvre, en y regardant de près, le génie au rêve écroulé. Peut-être une grandeur de plus s’attache-t-elle du reste à la morne et fatale décadence de ce crâne auguste sous lequel résida vingt ans la pensée du monde.

On voit qu’ici comme ailleurs la phrénologie a un fond solide, sur lequel on s’est sans doute trop hâté de bâtir et d’élever des constructions imaginaires, mais qui résistera, je crois, à tous les tremblemens de terre de la science. Il me paraît surtout important de réagir, à cette heure, contre la direction matérialiste que les successeurs de Gall ont donnée à sa doctrine. Le maître unissait de si près l’âme au cerveau, que le principe immortel de notre nature finissait par s’y effacer. Chez ses élèves, il n’en est plus même question ; l’organe seul décide du phénomène, l’organe est tout. Il est triste de voir en quelles mains est tombé l’héritage de Gall : des mouleurs de crânes, des charlatans, des diseuses de bonne aventure, des esprits courts, bornés à une classification aride. Ce n’est pas