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mental. Au fond, cette explication n’est qu’un aveu d’impuissance. Le travail de nos novateurs consiste peut-être trop souvent à changer les notions de l’inconnu connu et à déplacer l’abîme. Mettre sur le compte de la folie un crime dont on ne trouve pas là trace sur les organes du cerveau, c’est éluder un mystère par un mystère. Mieux vaudrait avouer que l’homme rencontre à chaque instant dans sa nature même la limite éternelle de son intelligence finie. Au-delà, il a beau questionner le ciel et la terre, rien ne répond : c’est comme s’il interrogeait le silence.

La tête de Lacenaire, dont Gall n’a pu avoir connaissance, a eu l’honneur malheureux de servir de champ de bataille aux disciples et aux détracteurs du maître. Suivant les phrénologistes, le terrain est demeuré, bien entendu, à la phrénologie. Il est constant qu’à côté de certaines facultés intellectuelles médiocres, dont Lacenaire a fourni de son vivant la preuve manifeste, le crâne de cet assassin célèbre, que j’ai vu, traduit d’assez mauvais penchans ; les besoins physiques l’ont emporté. Mais ce qui domine sur cette tête, c’est un amour-propre excessif. On sait que Lacenaire se glorifiait de ses crimes, et croyait les relever aux yeux du monde en les nommant des protestations. Béranger racontait un jour, devant nous, un trait de cet orgueil singulier. L’illustre chansonnier, étant à la Force, avait reçu des vers de un voleur-poëte détenu sur les cours. Lacenaire préludait, dans ce temps-là, obscurément et par de modestes délits à ses exploits futurs. Une lettre veut une réponse. Béranger répondit ; mais il fut mal la si-