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goûts ? Dis-nous ton occupation favorite ? — L’aveugle de naissance avoua qu’il n’aimait rien tant au monde que d’entendre parler des contrées lointaines et de voyager par les yeux des autres. Il n’était guère jaloux, dans toute la nature, que des hirondelles ; encore n’étaient-ce pas leurs yeux qu’il enviait, mais leurs longues ailes rapides, qui font mille lieues dans un jour.

Ces faits et beaucoup d’autres semblables dont Gall semait son passage le faisaient suivre dans toute l’Allemagne à la trace lumineuse de sa doctrine. Une prompte réaction succéda à ce premier mouvement d’enthousiasme. Les gouvernemens du nord proscrivirent la nouvelle science comme dangereuse et comme conduisant au matérialisme. Les idées de Gall ne rencontrèrent nulle part tant d’opposition que parmi ses confrères. Ses voyages avaient éveillé autour du docteur une admiration excessive ; ils éveillèrent en même temps l’envie. Gall admira la manière dont ces savans régentaient la nature. Il remarqua que les rivalités de systèmes cachaient presque toujours des rivalités d’amour propre. Sa doctrine avait, aux yeux de certains hommes graves, le grand tort de ne pas avoir été découverte par eux-mêmes. La plupart la rejetaient sans examen, par cela seul que c’était une étrangeté et qu’on ne saurait trop se défendre d’innovation. Quoique le docteur Gall eût beaucoup à souffrir de ce fanatisme du doute, le pire de tous les fanatismes, il ne se découragea point. L’avenir, cette espérance de tout homme qui lutte, était invoqué par notre nouveau