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mors. On voit par ce fait que devant les progrès du temps et de l’action humaine, le langage le plus anciennement figuré, le rêve le plus idéal de la statuaire, finissent par perdre toute exagération. De semblables progrès pourraient, sans aucun doute, être étendus dans les autres pays à toute la race chevaline. Il est déjà permis de rêver un monde meilleur, où remplacé par le mouvement des machines, délivré peu-à-peu des plus rudes travaux, mieux instruit et mieux traite, le cheval verrait tomber peu-à-peu dans la poussière le frein par lequel nous morigénons, à cette heure, sa bouche impatiente. Le fouet même, ce dernier instrument de la servitude, ce sceptre brutal que nous étendons sur les bêtes de somme, le fouet serait brisé. Que faudrait-il pour cela ? Il faudrait que ; non content de conquérir la force et les grossiers instincts du cheval, l’homme formât avec cet utile auxiliaire un pacte moral qui lui gagnât l’animal tout entier. Il faudrait en un mot régler sa volonté par la douceur, au lieu de régner sur ses mouvemens par la crainte. La vapeur vient, encore une fois, en aide à cette œuvre comme agent matériel de la délivrance du règne animal, traité jusqu’ici en esclave, et qui plus est en esclave de guerre. Aussi, quand je rencontre sur mon chemin des chevaux suant, peinant et soufflant par centaine à voiturer dans de lourds tombereaux les matériaux nécessaires à la construction de nos lignes de fer, je ne puis me défendre de voir en eux les instrumens, et si j’osais ainsi parler, les martyrs de l’affranchissement de leur race.