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le jardin des plantes.

presque point changé de caractères, tandis que d’autres se sont entièrement modifiés, mettent sous nos yeux un grand spectacle. L’homme a, pour ainsi dire, inventé la chèvre, le porc, la brebis ; la nature n’avait prévu que le bouquetin, le sanglier, le mouflon. Ce progrès passif dont les animaux sont capables sous notre influence s’est étendu déjà à quarante espèces civilisées, parmi lesquelles il ne faut pas oublier le cheval, cette noble conquête ; seulement les transitions nous manquent. Posséder, comme cela se réali-

    administrateurs du Jardin des Plantes. En même temps donnant avis à ceux-ci de son arrêté, il les invita à déléguer quelqu’un au Rainci pour recevoir ce tribut. Ce fut encore Geoffroy Saint-Hilaire qui, à raison de ses fonctions, fut chargé de ce soin. Nous avons un jour entendu raconter à l’illustre vieillard la visite qu’il fit a nette occasion au Rainci avec Lamarck, cette autre gloire, alors naissante aussi, de la zoologie française. Merlin de Thionville, qui n’avait point encore connaissance de l’arrêté proconsulaire, était en pleine chasse quand on vint l’avertir que deux jeunes gens arrivés au château demandaient qu’on leur remit les précieux habitans de la forêt. Que l’on se fasse une idée de la surprise et de la colère du terrible conventionnel ainsi menacé dans ses plaisirs. M. Geoffroy n’était pas du tout rassuré, et ce fut bien timidement que, pour toute réponse, il présenta au furieux chasseur l’arrêté dont il était porteur, et qui faisait connaître, avec sa qualité, au nom de quel pouvoir il venait. L’effet de ce nom, de cette décision prise dans l’intérêt du peuple, fut comme un coup magique : l’emportement contre les importuns visiteurs fit place au désir empressé de les servir ; on se remit en chasse, non plus pour le divertissement de tuer des animaux, mais pour une poursuite toute philosophique, destinée à les mettre dans les filets, et par suite à la disposition des deux délégués de la ménagerie nationale. Merlin de Thionville conduisit lui-même le convoi, et aux animaux confisqués au Rainci, il ajouta même plus tard, en échange d’animaux empaillés, divers animaux précieux dont il était possesseur. Ainsi prirent place au Jardin des Plantes, à côté des tigres et des ours, des cerfs et des biches, des daims fauves et blancs, des chevreuils, un chameau. Deux dromadaires confisqués au château du Bel-Air, appartenant au prince de Ligne, furent joints à cette troupe paisible ; et la seconde section de la ménagerie, entretenue de fourrages comme la première de débris de boucherie, fut installée, en attendant décision, sous les grands arbres qui existaient alors près de la rue Buffon. »