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à la tête de cette nouvelle opinion, si souvent fulminée en France par Georges Cuvier. Il croyait tous les êtres de la nature sortis les uns des autres par une succession éternelle. Un jour que l’auteur de Faust et des Métamorphoses des plantes se promenait sur les bords du Rhin, il rencontra une jeune fille qui contemplait des vergiss-mein-nicht avec un air de souvenir et de rêverie. Goethe, mêlant alors le poète au naturaliste, dit tout haut : Elle se souvient d’avoir été fleur ! — Quoi qu’il en soit de la cause qui produisit l’homme sur la terre, l’événement n’en fut pas moins grand. En face de ces antiques ossemens recouverts d’une croûte terreuse, et qui semblent avoir appartenu à l’un de nos plus anciens ancêtres sur le globe, il est difficile de ne pas ramener sa pensée au vaste et solennel moment où l’homme, ce dernier né de la nature, se manifesta. Jusque-là, le monde ne se comprenait pas lui-même ; la nature perdait ses peines à broder l’écorce du globe de ces grands végétaux qui n’étaient point regardés, les forêts étalaient vainement, aux yeux des stupides mastodontes et des épais megatheriums, leurs primitives beautés : la terre sans l’homme, c’était un spectacle sans spectateur. Lui au contraire survenant, tout changeait de face, tout arrivait à se passer en revue dans cet être capable de sentiment et d’admiration. L’homme était le cerveau de cette création, arrivée à son dernier âge. Il ne faut pourtant point exagérer le caractère soudain et extraordinaire de cet événement. La nature n’avance jamais par surprise. Quand l’homme advint, il était si bien annoncé par tout le travail de la grande se-