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pas de moi, qu’un souffle d’automne emportera bientôt, qu’il doit s’agir. » Hélas ! il disait vrai, le souffle d’automne l’a emporté.

Depuis quatre ans le savant vieillard expiait par la cécité le crime d’avoir porté ses regards trop haut dans les secrets et les mystères de la nature ; cette Isis irritée jeta son voile sur les yeux téméraires qui voulaient tout pénétrer. Geoffroy supporta cette cruelle infirmité avec le calme et la résignation du sage. Aveugle comme Homère, comme Milton, comme Galilée, il ouvrit plus grands les yeux de l’âme, il vit le monde au dedans de soi ; ne pouvant plus observer, il médita. Au milieu des ténèbres dont il était entouré, il s’éleva par la pensée vers ce mystérieux et lointain rayonnement de la lumière qui ne meurt pas. Un indigne écrit avait osé mettre en doute, dans ces derniers temps, les principes religieux de M. Geoffroy touchant l’auteur des mondes ; il en fut vivement blessé. Le grand naturaliste qui avait passé sa vie dans la contemplation de la nature ne pouvait pas nier le principe de l’ordre. « En définitive, écrivait-il au terme de ses investigations philosophiques, la cause des faits phénoménaux de l’univers, c’est le principe de l’attraction conçue d’après le principe de l’affinité de soi pour soi ; mais, par-delà incontestablement, la cause des causes, c’est Dieu. »

Geoffroy était mort pour la science : la voix de la prudence et de ses amis lui avait conseillé d’éteindre sa lampe ; il souffla lui-même avec une résignation sublime cette flamme qui ne devait plus se rallumer qu’ailleurs. Au milieu du sommeil et de l’engourdis-