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ne voyons pas en quoi cette faculté de divination a pu nuire à ses travaux sur l’histoire naturelle. Il faut d’ailleurs bien s’entendre : tout en critiquant cette école timide qui borne ses ambitions à nommer, à décrire et à enregistrer les faits de la science ; tout en blâmant la marche stationnaire de ces zootomistes qui, dans leur frayeur de la nouveauté, se contentent de promener vaguement le scalpel sur les organes du monde animal, Geoffroy, comme Goethe lui-même, était d’avis qu’il fallait apporter dans l’observation des détails de la nature l’exactitude sévère du géomètre. En 1835, George Sand, dans l’esprit duquel les débats scientifiques de 1829 avaient laissé trace, vint proposer à M. Geoffroy de servir ses idées devant le public ; le savant écarta avec politesse la main qui lui était offerte, dans la crainte que ce brillant auxiliaire ne compromît, par ses inventions, le succès d’une cause grave qui voulait être défendue avant tout par de fortes études. Geoffroy voyait la nature en poète, mais en poète instruit des faits qui composent son histoire.

Nous glissons sur les détails et sur les incidens de ce grand duel scientifique dont l’Allemagne s’émut, dont les journaux du temps ont méconnu en France la véritable portée. Le dissentiment d’idées qui agitait les deux adversaires, malgré l’aigreur et l’extrême violence de la lutte, n’alla point jusqu’au cœur. M. Geoffroy ayant perdu, quelques années plus tard, une fille charmante et aimée, Cuvier vint assister aux funérailles, et par un serrement de main bien senti prouva à son ancien ami qu’il partageait toute l’étendue de