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Napoléon dans la colonie, renouvela ce mémorable engagement. Nous passerons plus tard en revue les divers arrêtés promulgués sous l’empire de la même idée, notamment deux ordonnances du vicomte Desbassayns de Richemont, l’une consacrant et réglementant l’institution du Tribunal de la caste, cette juridiction primordiale de la famille ; la seconde, instituant un Comité de jurisprudence indienne, pour « éclairer les décisions du Gouvernement et des Tribunaux dans les questions dont la solution exige la connaissance des lois indienne, et des us et coutumes des Malabars. »

Dans ces divers actes de l’autorité française, édictés jusqu’à nos jours, nous démêlerons sans peine la double tendance que nous signalions plus haut, et qui a été parfaitement définie par M. le contre-amiral Verninac, alors Gouverneur[1] : « Quelque déplorable que soit le fâcheux antagonisme produit par les divisions de castes, et si l’on doit appeler de tous ses vœux le moment où elles viendront s’éteindre dans une immense conciliation, l’Administration, n’en doit pas moins demeurer, à cet égard, dans une neutralité expectante que se réserve l’avenir. » Certes, si Anquetil-Duperron, le célèbre initiateur de l’Occident dans la science des religions indiennes, avait pu entendre ces sages paroles, s’il eût vécu encore, pour être le témoin de ce scrupuleux respect de nos gouvernants, il eût rétracté, tout au moins à l’égard de sa patrie, les paroles que lui avaient arrachées, en 1780, les excès commis par la Compagnie anglaise des Indes : « Pauvres Indiens ! des loups noirs vous mangeaient : des loups blancs sont venus, ils ont dévoré les loups noirs, et maintenant ils vous mangent. Hélas ! pauvres Indiens, votre sort a-t-il changé ? » Les considérations qui précèdent étaient nécessaires pour

  1. Octobre 1854.