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loi que redoutent et que sentent bien venir les riches et à laquelle ne pensent nullement encore le grand nombre des malheureux, c’est-à-dire les 49 cinquantièmes du genre humain, qui cependant, si elle n’arrive point, mourra en totalité en dedans (sic) deux générations tout au plus (nous vérifierons ensemble mathématiquement cette épouvantable prédiction au premier instant que vous le voudrez) ; cette loi que vous vous rappelez bien que, étant entre ( ?) nous deux, nous avons vu Mably rappeler par ses vœux ardents cette loi qui ne reparaît jamais sur l’horizon des siècles que dans des circonstances comme celles où nous nous trouvons ; c’est-à-dire, quand les extrêmes se touchent absolument ; quand les propriétés foncières, seules vraies richesses, ne sont plus que dans quelques mains, et que l’impossibilité universelle de pouvoir assouvir la terrible faim, détermine le plus grand nombre à revendiquer le grand domaine du monde où le Créateur a voulu que chaque être possédât le rayon de circonférence nécessaire pour produire sa subsistance ; cette loi, dis-je, est le corollaire de toutes les lois ; c’est là où se repose toujours un peuple lorsqu’il est parvenu à améliorer sa constitution sous tous les autres rapports… que dis-je ? C’est alors qu’il simplifie étonnamment cette Constitution. Vous apercevrez que depuis que la nôtre est commencée, nous avons fait cent lois chaque jour, et à mesure qu’elles se sont multipliées, notre Code est devenu successivement plus obscur. Quand nous arriverons à la loi agraire, je prévois qu’à l’instar du Législateur de Sparte, ce Code trop immense sera mis au feu et une seule loi de 6 à 7 articles nous suffira. Je prends encore avec vous l’engagement de démontrer ceci très rigoureusement.

Vous reconnaissez sans doute comme moi cette grande vérité que la perfection en législation tient au rétablissement de cette égalité primitive que vous avez si bien chantée dans vos poëmes patriotiques, et comme moi vous sentez sans doute encore que nous marchons à grands pas vers cette étonnante Révolution.

C’est précisément pourquoi, moi qui suis si partisan du système, je ne reviens pas des contemplations où je me livre, en examinant que vos principes et votre énergie vous rendent peut-être l’unique propre à préparer cette grande conquête, et que la Providence semble nous seconder en vous poussant dans la carrière convenable pour pouvoir combattre avec le plus d’avantages en faveur de la cause.

Oui, vous êtes peut-être réservé et peut-être l’étions-nous tous deux pour sentir les premiers et pour faire goûter aux autres le grand mystère, le plus (illisible) secret qui doit briser les chaînes humaines. Si cela est, que je vous vois grand entre les Législateurs !

Mais comment conçois-je qu’avec toute la force dont vous êtes