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dans l’humilité, d’un esprit mal équilibré en un mot et inconsistant.

Il y avait parmi les pièces du procès une longue minute de la main de Babeuf destinée à l’Eclaireur du Peuple. Elle était marquée par son rédacteur comme formant le numéro 5 de ce même journal. Babeuf déclare dans sa Défense qu’elle ne peut être le numéro 5, parce que le numéro 5 a paru et ne la contient pas. Cette indication est, suivant son système, un lapsus ; le numéro où le morceau devait être inséré est le numéro 9, et ce numéro devait paraître le lendemain du 21 floréal, jour de l’arrestation des conjurés. Il a donc été écrit — toujours selon Babeuf — le matin même du jour de l’arrestation. Que contient-il ?

« Citoyens d’affreux pièges vous sont tendus ! On veut profiter de votre cruelle détresse, de vos légitimes mécontentements, de votre extrême lassitude et de votre juste impatience à mettre un terme à des maux qui ne peuvent plus, à la vérité, se supporter. On veut profiter de tout cela pour vous exciter à un mouvement précipité à la fayeur duquel vous prenant au dépourvu, sans de suffisants moyens préparés, on se promet de vous envelopper, c’est-à-dire vous et tout ce qui reste de patriotes énergiques et purs, on se promet de vous envelopper dans une immolation générale. Défiez-vous de toutes les insidieuses suggestions, défiez-vous de tous les trompeurs ! Vous en êtes entourés. Vous êtes entourés d’Antechrists et de faux prophètes. Vous reconnaîtrez vos vrais libérateurs à des marques certaines. Restez calmes quant à présent ; puisque vous avez tant souffert, souffrez quelques instants de plus pour mieux assurer votre affranchissement ; la pressante nécessité, l’urgence des dangers nous force à vous donner cet avis public. Reposez-vous sur nous ; le moment de sauver la Patrie n’est point encore arrivé. — Gracchus